Un employé modèle de Paul Cleave
Un employé modèle de Paul Cleave (éditions Sonatine)
Un employé pas si modèle…
Moi qui aime les romans aux tendances anti-conformistes, là, j’ai été servie avec Un Employé modèle !
Pour vous mettre dans l’ambiance, commençons par le résumé éditeur :
« Christchurch, Nouvelle-Zélande. Joe Middleton contrôle les moindres aspects de son existence. Célibataire, aux petits soins pour sa mère, il travaille comme homme de ménage au département de police. Ce qui lui permet d’être au fait des enquêtes criminelles de la ville. En particulier celle relative au Boucher de Christchurch, un sérial-killer sanguinaire accusé d’avoir tué ces dernières semaines sept femmes dans des conditions atroces. Même si les modes opératoires sont semblables, Joe sait qu’une de ces femmes n’a pas été tuée par le Boucher de Christchurch. Il en est même certain, pour la simple raison qu’il est le Boucher de Christchurch. _ Contrarié par ce coup du sort, Joe décide de mener sa propre enquête, afin de punir lui-même le plagiaire. Et, pourquoi pas, de lui faire endosser la responsabilité des autres meurtres. Ayant accès à toutes les données de la police, il va d’abord se concentrer sur cette « septième victime » pour tenter de connaître le mobile du tueur. Il lui faudra ensuite savoir comment l’homme qu’il cherche a pu avoir connaissance de son mode opératoire dans les moindres détails, au point de leurrer les forces de l’ordre. Se mettre dans la peau du tueur, en quelque sorte : ça, il connaît !
Variation sublime sur le thème du tueur en série, ce roman d’une originalité confondante transfigure tous les clichés du genre et révèle un nouvel auteur, dont on n’a pas fini d’entendre parler. »
Un employé modèle, c’est tout simplement un roman déjanté. Un roman dont le ton est vraiment décalé. Concernant le héros, ou plutôt l’anti-héros, une sorte de Dexter encore plus tordu (Si, si, c’est possible !), on hésite entre le détester et l’admirer. Parce que finalement, il a beau être un psychopathe qui fait froid dans le dos, son discours est hyper sensé, rationnel et remet à plat beaucoup de choses dans de nombreux domaines. Ce qui fait de ce thriller un bon roman de critique sociale. J’ai beaucoup apprécié par exemple la manière dont en décrivant le crucifix accroché au cou de Sally, un personnage haut en couleurs, l’auteur parvient à tourner la religion en dérision (« Son crucifix porte une de ces figurines de Jésus en métal soudé, et ce Jésus à l’air de souffrir, pas parce qu’il est crucifié, mais parce que sa tête est perpétuellement baissée, là où il est obligé de regarder dans le soutien-gorge de Sally. ») Regarder la vie à travers les yeux d’un psychopathe mi Hannibal Lecter, mi Forrest-Gump fait ressortir les travers de chacun et l’absurdité du quotidien, faisant de ce thriller un roman existentiel plutôt bien ficelé.
Le style aussi est excellent. Des comparaisons et métaphores toujours surprenantes (Décrivant l’une de ses victimes : « Elle commence à secouer la tête, comme si elle disait non à tout un tas de questions que je n’ai même pas encore posées. Des gouttes d’eau volent à droite, à gauche, comme s’il pleuvait à l’intérieur, horizontalement. » ou encore « Je peux la voir serrer des manettes dans sa tête, cherchant celle qu’il faut tirer pour obtenir d’autres options. Je la regarde les tirer toutes, mais les manettes lui échappe des mains. »), des situations incongrues, à la fois désopilantes comme l’œuf qui sert de bâillon à sa victime ou l’agression inattendue du narrateur (dont je ne parlerai pas plus… non, non… il faut garder le suspense… Mais je peux juste vous dire que c'est une scène qui vous marquera À VIE !!!), des descriptions pittoresques et drôles et en même temps, bien choisies pour décrire Christchurch, ville de banlieue ou règnent pauvreté et délinquance (« Ici, l’installation électrique était déjà démodée quand on a inventé l’électricité. Le sol en linoléum semble avoir été fait avec la peau de Kermit, la grenouille du « Muppet Show. La table est couleur banane. Ses pieds sont en métal froid. Les chaises sont capitonnées et branlent légèrement quand je bouge. »).
Bref, un très bon thriller pour qui veut oser voir la vie à travers les yeux d’un psychopathe et trouver cela plutôt instructif !
Petit bémol, le scénario, s’il est intéressant, auraient pu être étoffé encore davantage.
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Quelques citations qui donnent d’emblée le ton :
« La première chose que je dois faire, c'est récupérer une liste de gens pour pouvoir les éliminer. En tant que suspects, je veux dire. »
« Je ne suis pas un psychopathe. Je n’entends pas de voix. Je ne tue pas pour Dieu ou Satan, ou le chien du voisin. Je ne suis même pas religieux. Je tue pour moi. C’est aussi simple que ça. J’aime les femmes et j’aime leur faire des choses qu’elles ne veulent pas me laisser faire. Il doit y avoir 2 ou 3 milliards de femmes sur cette terre. En tuer une par mois, c’est pas grand-chose. C’est juste une question de perspective. »
« S’il vous plaît, s’il vous plaît. Allez-vous-en. »
J’ai entendu ça tant de fois que j’en bâillerais presque, mais je le fais pas parce que je suis un type poli. « Vous faites une bien mauvais maîtresse de maison, je lui dis, poliment. »
- Vous êtes cinglé. Je vais appeler la…la police. »
Elle est vraiment stupide à ce point ? Est-ce qu’elle croit que je vais rester là pendant qu’elle prend le téléphone pour appeler à l’aide ? Peut-être que je vais m’adosser au lit et faire les mots croisés du journal en attendant qu’ils viennent m’arrêter ? »
« - Tu pourrais très bien m'accompagner à l’Église. Je te promets que ça ne sera pas ennuyeux".
Je ne comprends vraiment pas comment elle peut promettre une telle chose, à moins que le prêtre n'ait décidé d'enfreindre au moins la moitié des dix commandements. »
« Christchurch. Pas du tout la Cité des anges. La Nouvelle-Zélande est connue pour sa tranquillité, ses moutons et ses hobbits. Christchurch est connue pour ses jardins et sa violence. Lancez un sac plein de colle en l'air, et une centaine de candidats vont se piétiner pour pouvoir sniffer dedans. »
« Je m'avance dans le couloir. Le bus n'est pas plein à craquer, mais je suis obligé de m'asseoir à côté de quelqu'un. Je m'installe près d'un jeune punk. Je ne cherche pas à engager la conversation avec lui, car je doute qu'il puisse parler du temps qu'il fait sans menacer d'attaquer quelqu'un. Il est entièrement habillé de noir, avec un collier noir à pointes autour du cou. Il a les cheveux rouges, des anneaux dans le nez et des clous dans les lobes de ses oreilles. Encore un citoyen normal de cette jolie ville. Une chaîne relie sa lèvre inférieure à sa gorge. J'envisage de la tirer pour voir s'il a une chasse d'eau dans le crâne. »
« Quand je rentre dans mon appartement, je vois que deux messages m’attendent. Tous deux de ma mère. Je les efface, en me demandant deux choses à la fois. Un : pourquoi est-ce que j’aime tant ma maman ? Et deux : pourquoi je ne peux pas l’effacer aussi rapidement que ses deux messages ? »
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